J.O. 86 du 11 avril 2006       J.O. disponibles       Alerte par mail       Lois,décrets       codes       AdmiNet
Ce document peut également être consulté sur le site officiel Legifrance


Décision du 22 février 2006 du Conseil d'Etat statuant au contentieux (section du contentieux, 10e et 9e sous-sections réunies) sur le rapport de la 10e sous-section de la section du contentieux


NOR : CETX0609225S



Vu la requête, enregistrée le 21 décembre 2005 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Gaston Flosse, demeurant BP 28, à Papeete (98713), M. Edouard Fritch, demeurant BP 28, à Papeete (98713), M. Bruno Sandras, demeurant BP 28, à Papeete (98713), Mme Armelle Merceron, demeurant BP 28, à Papeete (98713), Mme Teura Iriti, demeurant BP 28, à Papeete (98713), Mme Romance Flohr, demeurant BP 28, à Papeete (98713) ; M. Flosse et autres demandent au Conseil d'Etat :

1° De déclarer la « loi du pays » no 2005-6 LP/APF du 5 décembre 2005 portant modification du code des impôts de la Polynésie française dans le cadre de l'approbation du budget de la Polynésie française pour l'exercice 2006 (impôts directs) non conforme au bloc de légalité tel qu'il est défini à l'article 176-III de la loi organique no 2004-192 du 27 février 2004 portant statut d'autonomie de la Polynésie française ;

2° De déclarer que ladite loi ne peut être promulguée au Journal officiel de la Polynésie française ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la Constitution, notamment son article 74 ;

Vu la loi organique no 2004-192 du 27 février 2004 portant statut d'autonomie de la Polynésie française ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Edouard Geffray, auditeur ;

- les observations de la SCP de Chaisemartin, Courjon, avocat du président de la Polynésie française ;

- les conclusions de Mlle Célia Verot, commissaire du Gouvernement ;

Considérant qu'aux termes de l'article 176 de la loi organique portant statut d'autonomie de la Polynésie française : « I. - A l'expiration de la période de huit jours suivant l'adoption d'un acte prévu à l'article 140 dénommé "loi du pays ou au lendemain du vote intervenu à l'issue de la nouvelle lecture prévue à l'article 143, le haut-commissaire, le président de la Polynésie française, le président de l'assemblée de la Polynésie française ou six représentants à l'assemblée de la Polynésie française peuvent déférer cet acte au Conseil d'Etat./ Ils disposent à cet effet d'un délai de quinze jours. Lorsqu'un acte prévu à l'article 140 dénommé "loi du pays est déféré au Conseil d'Etat à l'initiative des représentants à l'assemblée de la Polynésie française, le conseil est saisi par une ou plusieurs lettres comportant au total les signatures de six membres au moins de l'assemblée de la Polynésie française./ Chaque saisine contient un exposé des moyens de droit et de fait qui la motivent ; le Conseil d'Etat en informe immédiatement les autres autorités titulaires du droit de saisine ; celles-ci peuvent présenter des observations dans un délai de dix jours./ II. - A l'expiration de la période de huit jours suivant l'adoption d'un acte prévu à l'article 140 dénommé "loi du pays ou au lendemain du vote intervenu à l'issue de la nouvelle lecture prévue à l'article 143, l'acte prévu à l'article 140 dénommé "loi du pays est publié au Journal officiel de la Polynésie française à titre d'information pour permettre aux personnes physiques ou morales, dans le délai d'un mois à compter de cette publication, de déférer cet acte au Conseil d'Etat. Le recours des personnes physiques ou morales est recevable si elles justifient d'un intérêt à agir (...) » ;

Considérant que l'assemblée de la Polynésie française a adopté, le 5 décembre 2005, une « loi du pays » modifiant le code des impôts de 1a Polynésie française afin notamment de créer une « taxe d'environnement pour le recyclage des véhicules » ;



Sur l'intervention de M. Hoffer :

Considérant que l'article 176 de la loi organique a institué deux voies de recours distinctes pour la contestation des « lois du pays », l'une réservée aux autorités et personnes mentionnées au I de l'article 176, l'autre ouverte aux personnes physiques ou morales justifiant d'un intérêt pour agir ; que la première de ces voies obéit à des règles particulières de procédure ; que, notamment, la requête est communiquée, avec les moyens de droit et de fait qu'elle comporte, aux autres autorités titulaires du droit de saisine, qui disposent d'un délai de dix jours pour présenter leurs observations ; que ces règles particulières excluent la possibilité, pour une personne physique ou morale, d'intervenir dans l'instance dans le cadre d'un recours formé par les autorités ou personnes mentionnées au I précité ; que dès lors, l'intervention de M. Hoffer dans la présente instance n'est pas recevable ;

Sur les conclusions présentées par M. Flosse et autres :

Considérant que, pour demander l'annulation de la « loi du pays » contestée, M. Flosse et autres soutiennent que la Polynésie française n'avait pas compétence pour créer une « taxe d'environnement sur le recyclage des véhicules », au motif que le recyclage des véhicules hors d'usage relève de la compétence des communes de la Polynésie française ;

Considérant qu'aux termes de l'article 140 de la loi organique du 27 février 2004 relative à l'autonomie de la Polynésie française : « Les actes de l'assemblée de la Polynésie française, dénommés "lois du pays, sur lesquels le Conseil d'Etat exerce un contrôle juridictionnel spécifique, sont ceux qui, relevant du domaine de la loi, soit ressortissent à la compétence de la Polynésie française, soit sont pris au titre de la participation de la Polynésie française aux compétences de l'Etat et interviennent dans les matières suivantes : (...) 3° Assiette, taux et modalités de recouvrement des impositions de toute nature ; » ;

Considérant que si l'article 53 de la loi organique du 27 février 2004 portant statut d'autonomie de la Polynésie française prévoit qu'il appartient aux communes de déterminer le taux et les modalités de perception des impôts ou taxes spécifiques instituées à leur profit par la Polynésie française, ces dispositions ne font pas obstacle à ce que la Polynésie française institue une taxe à son propre profit, y compris dans des matières qui relèveraient, le cas échéant, de la compétence des communes ; que par suite, la « taxe d'environnement pour le recyclage des véhicules » entre dans le champ des impositions de toute nature visées par l'article 140 de la loi organique précitée ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les requérants ne sont pas fondés à soutenir qu'en créant la taxe contestée, la Polynésie française aurait méconnu les règles de compétences définies par la loi organique du 27 février 2004 ; que dès lors leur requête doit être rejetée,

Décide :


Article 1


L'intervention de M. Hoffer n'est pas admise.

Article 2


La requête de MM. Flosse, Fritch et Sandras et de Mmes Merceron, Iriti et Flohr est rejetée.

Article 3


La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et au Journal officiel de la Polynésie française et sera notifiée à M. Gaston Flosse, à M. Edouard Fritch, à M. Bruno Sandras, à Mme Armelle Merceron, à Mme Teura Iriti, à Mme Romance Flohr, au président de la Polynésie française, au président de l'assemblée de la Polynésie française, à M. René-Georges Hoffer et au ministre de l'outre-mer.